« Les pigeons marchaient sur l'aube avec précaution et des petits chiens fumeux dérivaient, l'air préoccupé... Un oiseau incandescent épinglait tour à tour des fumées processionnaires. Un soleil de lait, pris dans les glaces, regardait la ville... »
Ainsi commence Petit Lu et la licorne, de Jacques Galan. Qu'attend-on pour tresser à cet écrivain nouveau des lauriers de gloire ? Que font les médias dits littéraires ? Sinon sans doute comme toujours leurs travaux laborieux de fossoyeurs de la véritable littérature. Voici pourtant un roman exceptionnel, comme on en découvre un topus les dix ans, un conte où le langage est retourné à son essence première, trituré comme le font les enfants, où les lieux communs deviennent des fantaisies étranges, où les animaux parlent, les astres sont vivants, où le cheval-vapeur se dissout en fumerolles, où Queneau fait des clins d'œil à Lewis Caroll, où on rencontre un cardeur de rêves, un réveilleur de réverbères, dans une ville qui se fait et se défait à mesure que Petit Lu, aidé de quelques compagnons, recherche la licorne, où des mots vivent une autre existence, où les toits ménilmontent, où les calembours baptisent des créatures de songe : Gali Mathias, et Kar Amel Mou, où Franklin Roosevelt devient la station des francs calins et des roses sveltes, où un hibou est ronpatonponant, où l'argot dévie vers le surréalisme, où édredon, chaussure et clou prennent le bus, où l'œil est berlinbigot, et où la cigale et la fourmi devient la mygale et son fourbi dans un pastiche étonnant de surréalités.
Trouvailles, inventions, jeux de mots, jongleries du verbe se pressent aussi mais sans jamais s'accumuler ; ils sont diffusés par une féérie d'une originalité stupéfiante. On aimerait tout citer, on applaudit devant une telle performance d'écriture, une telle virtuosité qui n'a guère dans notre littérature de cas comparable : Monique Wittig avec L'Oppoponax fait désormais triste mine.